La notion « d’abus de minorité » peut paraître étonnante de prime abord. En effet, en droit des sociétés, la minorité ne possède qu’un poids restreint en ce qui concerne le vote dans les assemblées générales.
Il est néanmoins des cas où le vote des minoritaires peut revêtir un caractère abusif. Le blog du dirigeant vous propose de revenir en détail sur ce qu’est un abus de minorité.
Qu’est-ce qu’un abus de minorité ?
Les actionnaires ou associés sont, en principe, libres de voter comme bon leur semble aux assemblées générales. Ces derniers peuvent posséder, de par leur poids dans le capital social, une minorité de blocage.
[encadre3]Illustration : pour les SARL, les décisions prises en assemblées générales extraordinaires doivent, en principe, être votées à la majorité des deux tiers (66%). Imaginons qu’une SARL compte 3 associés.
L’associé A dispose de 60% du capital social, l’associé B de 25% et l’associé C de 15%. Dans cette hypothèse, les associés minoritaires B et C disposent d’une majorité de blocage car A, bien que possédant la majorité du capital, ne peut pas voter à lui seul une décision extraordinaire.[/encadre3]
Malgré cette liberté, il existe cependant des cas où le refus, pour les minoritaires, de voter une décision, met en péril la société. Cette situation est susceptible d’être qualifiée comme un abus de minorité.
[encadre2]Conseil BBDP : le dirigeant peut prévenir tout risque d’apparition d’un abus de minorité en procédant à une bonne répartition du capital social. Pour se faire, le dirigeant doit s’informer sur les dispositions légales et statutaires concernant la prise de décision en AG.
Une fois cette dernière déterminée, le dirigeant pourra répartir le capital social de façon à éviter à ce qu’il n’y ait pas de minorité de blocage. Il convient cependant de ne pas occulter le fait qu’une absence de minorité de blocage rend l’entreprise moins attractive pour l’entrée d’éventuels minoritaires. Un équilibre viable entre partage du pouvoir et financement doit donc être recherché.[/encadre2]
La jurisprudence a retenu plusieurs conditions pour qualifier un abus de minorité.
- La décision, prise par les minoritaires, doit être en contradiction avec l’intérêt social de l’entreprise,
- La décision n’est motivée que par le seul objectif de favoriser les associés ou actionnaires minoritaires,
- La décision des minoritaires fait obstacle à une opération essentielle pour l’entreprise.
[encadre3]Illustration 1 : dans le cadre d’une SARL, A possède 60% du capital social, B 25% et C 15%. L’entreprise connaissant de grandes difficultés, elle souhaite procéder à une augmentation de capital (décision extraordinaire nécessitant 66% des votes) pour faire entrer un nouvel investisseur qui pourra permettre le rétablissement financier.
B et C ne souhaitant pas voir leur poids diminuer dans la société, ils s’opposent à l’augmentation du capital, pourtant nécessaire à la survie de la société.
Dans cette hypothèse, les trois conditions semblent remplies pour caractériser un abus de minorité.
Tel n’aurait pas été le cas si l’augmentation de capital aurait été motivée par une volonté autre que la survie de l’entreprise (par exemple, l’entrée au capital social d’un membre de la famille de A).[/encadre3]
[encadre3]Illustration 2 : Deux époux sont associés d’une SAS. Monsieur A et majoritaire et Madame B est minoritaire. Le couple connait un divorce conflictuel. Par la suite, une décision doit être prise en AGE pour permettre la prorogation de la durée de la société.
Madame B refuse de voter cette prorogation dans le seul but de contrarier son ex-époux. Cette situation est susceptible d’être qualifiée d’abus de minorité.[/encadre3]
[encadre2]Remarque : dans la majorité des hypothèses, l’abus de minorité trouve à s’appliquer dans le cadre d’une augmentation de capital.[/encadre2]
Les sanctions d’un abus de minorité
La sanction demeure problématique dans le cadre d’un abus de minorité. Contrairement à l’abus de majorité, aucune décision n’a été prise. En conséquence, la nullité ne peut pas être appliquée. La seule possibilité consiste, pour le juge, à désigner un mandataire chargé de voter à la place des minoritaires. Le juge ne peut cependant pas décider du vote à la place du mandataire. Lorsque qu’un préjudice est établi, les associés ou actionnaires minoritaires peuvent être condamnés au versement de dommages et intérêts (ce qui ne solutionne pas le problème du blocage pour la société).
Conclusion
L’abus de minorité peut permettre de résoudre une volonté déraisonnable des associés minoritaires de bloquer la société. Comme toute procédure judiciaire, le succès de la demande visant à faire reconnaître un abus de minorité demeure incertain.
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