La notion d’abus de majorité
Les associés et les actionnaires disposent d’un droit de vote aux assemblées générales. En principe, les décisions qui sont prises ne doivent être motivées que par l’intérêt social de l’entreprise et non pour des intérêts purement personnels.
L’abus de majorité représente la situation dans laquelle les associés ou actionnaires majoritaires vont prendre des décisions contraires à l’intérêt social de l’entreprise et ce dans l’objectif d’en tirer profit au détriment des autres associés ou actionnaires.
Deux conditions sont donc nécessaires pour pouvoir caractériser un abus de majorité :
- La décision des majoritaires apparaît en contradiction avec l’intérêt social de l’entreprise : cette condition sera remplie lorsque la décision prise portera préjudice à l’entreprise (situation financière, réputation…)
- La décision a été prise uniquement pour favoriser les majoritaires.
[encadre3]Illustration 1 : une SAS est composée de deux associés. L’associé A possède 70% du capital social et l’associé B en possède 30%. L’associé A décide de créer une autre société sous la forme d’EURL. L’associé A utilise son droit de vote majoritaire pour imposer à la SAS une location gérance en faveur de l’EURL. Ce contrat met gravement en péril la situation financière de la SAS. Dans cette situation, un abus de majorité pourrait être caractérisé car :
- La décision ne favorise que le majoritaire qui va pouvoir augmenter le résultat de sa nouvelle EURL. L’associé B est, quant à lui, lésé.
- La décision est contraire à l’intérêt social puisqu’elle met en péril la situation financière de la SAS qui ne trouve aucun intérêt à conclure un tel contrat.[/encadre3]
[encadre3]Illustration 2 : un président de SAS possède 70% du capital social. Ce président décide de s’octroyer, en assemblée générale, une rémunération excessive au regard de la situation financière de la société. Dans cette hypothèse, l’abus de majorité pourrait être caractérisé car :
- La décision est contraire à l’intérêt social puisque la SAS risque de ne pas pouvoir supporter la rémunération excessive de son dirigeant.
- La décision ne favorise que le dirigeant majoritaire au détriment des autres actionnaires minoritaires.[/encadre3]
L’abus de majorité fait l’objet d’une appréciation au cas par cas. Il existe des situations dans lesquelles il est difficile d’analyser si les conditions de l’abus sont remplies.
[encadre3]Illustration 3 : une SAS est composée de 3 actionnaires. (A) possède 70% du capital social, (B) en possède 25% et (C) en possède 5%. (A) perçoit une rémunération pour ses fonctions dirigeantes. Depuis plusieurs années, (A) décide de ne plus distribuer de dividendes et d’affecter l’ensemble des bénéfices en réserve. Dans cette hypothèse :
- La décision ne favorise que le dirigeant majoritaire puisque ce dernier voit la valeur de ses actions augmenter en raison de la progression constante des fonds propres. Par ailleurs, les minoritaires sont lésés puisqu’ils ne perçoivent aucune rémunération et aucun dividende. De plus, il est possible que leurs titres dans la société entrent dans le patrimoine imposable à l’ISF.
- La décision s’inscrit elle dans l’intérêt social ? Si le dirigeant majoritaire démontre, par exemple, que la décision de ne pas distribuer des dividendes est nécessaire pour les investissements futurs de l’entreprise ou pour faire face à des difficultés prévisibles, l’abus de majorité ne sera pas caractérisé. A l’inverse, si l’intérêt social n’est pas justifié, l’abus de majorité pourra être caractérisé.[/encadre3]
[encadre2]Conseil Lbdd : le meilleur moyen, pour les associés majoritaires, de prévenir tout abus de majorité, consiste à se poser les bonnes questions.
- La décision est-elle justifiée du point de vue de l’entreprise ?
- Suis-je le seul bénéficiaire de la décision ?
- Les intérêts des associés minoritaires sont-ils lésés ?[/encadre2]
La sanction de l’abus de majorité
Diverses sanctions, qui peuvent être ou non cumulées, sont prévues en cas d’abus de majorité
1ère sanction : la nullité de la décision
Les associés ou actionnaires minoritaires peuvent demander la nullité de la décision. La nullité de la décision entraîne sa disparition rétroactive.
Ils peuvent :
- Agir en leur nom
- Agir au nom de la société
[encadre3]Exemple : en reprenant l’illustration n°3, si les minoritaires parviennent à faire annuler la décision, tout ou partie des bénéfices pourront être affectés à la distribution de dividendes.[/encadre3]
[encadre2]Remarque : lorsque l’intérêt social est gravement menacé, les minoritaires ont tout intérêt à agir en urgence à l’encontre de la décision venant d’être prise. Ils pourront, pour se faire, agir en référé dans l’optique de suspendre cette dernière.[/encadre2]
2ème sanction : les dommages et intérêts
Les associés minoritaires et, éventuellement la société, peuvent percevoir des dommages et intérêts.
Pour qu’une telle situation se produise, il sera nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice.
[encadre3]Exemple : la décision prise par la majorité a engendré une diminution de la clientèle et a porté atteinte à la réputation de la société.[/encadre3]
Conclusion
Etre associé ou actionnaire majoritaire offre la possibilité, indéniable, de contrôler la société. Ce contrôle possède néanmoins des limites à ne pas franchir.
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